vie professionnelle

Convention collective de la production audio­vi­suelle : combien de divisions ?

Début juillet, les syndicats de producteurs ont soumis aux syndicats de salariés un nouvel avenant (n°19) qui se présente comme un accord d’étape. Il a été signé par la CFTC et le SNTPCT. Bien que n’étant pas majo­ri­taires (ils ne repré­sentent que 46 % des salarié·es de l’audiovisuel) ces syndicats dépassent à eux deux le seuil de repré­sen­ta­ti­vité suffisant pour valider l’accord (ce seuil est fixé à 30 % depuis les ordonnances Macron de 2017).

Dans le pro­lon­ge­ment de l’avenant n°17 du 18 janvier, celui-​ci entérine la frag­men­ta­tion de la convention en distinguant plusieurs genres de programmes avec, pour commencer, la « fiction audio­vi­suelle » et le « flux » (le docu­men­taire et la captation de spectacle vivant doivent suivre dans de futures négo­cia­tions).

La fiction audio­vi­suelle est définie comme « reposant sur une construc­tion narrative fondée sur un scénario et réalisée pour l’essentiel avec le concours d’artistes-interprètes. Cette catégorie inclut les vidéo musiques. »

Les programmes de flux sont eux définis comme « incluant les émissions de jeux, de diver­tis­se­ments et les magazines de plateaux ».

Les listes de fonctions adossées à ces deux genres ne sont qu’un copié-​collé des fonctions existantes (avec des retran­che­ments ou des ajouts selon les cas) et pour l’heure aucune des définitions de fonctions n’ayant fait l’objet de négo­cia­tions, contrai­re­ment aux engagements pris par les signataires de l’avenant n°17, les définitions actuelles ont toujours cours. Les filières (production, image, son, post­pro­duc­tion…) sont également inchangées (1).

C’est donc à marche forcée que cet accord d’étape a été finalisé afin de pouvoir, comme promis aux signataires de l’avenant n°17 (CFDT, CFTC, SNTPCT), attribuer des reva­lo­ri­sa­tions salariales à la fiction et au flux au 1er juillet.

En plus d’être dérisoires, ces reva­lo­ri­sa­tions varient selon que les salaires se situent en dessous ou au dessus de 1100 € brut pour 35 heures/​semaine (au maximum 2,5 % pour la fiction, pour le flux : 1 %, uniquement pour les salaires heb­do­ma­daires inférieurs à 1 100 € brut pour 35 heures).

Comme on pouvait s’y attendre — les producteurs ayant insisté à plusieurs reprises ces derniers mois sur les disparités de financement à l’intérieur du secteur de la fiction — les salaires « non spécialisé » sont maintenus et s’imposent toujours comme les seuls minima conven­tion­nels (cf. la page Salaires et conventions de notre site).

Tout se passe comme si après avoir détourné à leur profit les demandes des salariés à l’automne 2023, les producteurs imposaient leur agenda dans des négo­cia­tions qui n’en n’ont que le nom et qui ressemblent fort à un jeu de dupes.

À ce jour il existe donc 4 niveaux de salaires minima pour le poste de chef monteur (pour une seule et même définition de fonction), reva­lo­ri­sa­tions comprises (à l’exception du docu­men­taire et de la captation pour lesquels une reva­lo­ri­sa­tion de + 1 % est programmée au 1er juillet 2025 !) :

  • fiction, chef monteur « spécialisé » : 1 427,02 € ;
  • fiction, chef monteur : 1 288,39 € ;
  • flux, chef monteur : 1 269,54 € ;
  • hors fiction et flux (captation/​documentaire), chef monteur : 1 256,97 €.

Ces disparités selon le genre de programme s’appuient sur de supposées dis­tinc­tions au sein d’un même métier que les partenaires sociaux n’ont à ce jour pas établies. Elles sont incom­pré­hen­sibles et risquent de se creuser à l’avenir. Elles s’apparentent de fait à une dif­fé­ren­cia­tion selon le budget des programmes alors que ceux-​ci ne sont pas comparables (que l’on songe par exemple aux moyens mis en œuvre pour une fiction en regard de la modestie d’une équipe dans le docu­men­taire).

Considérant qu’une dif­fé­ren­cia­tion des salaires selon les genres de programmes menace l’unicité de la convention, contrevient au principe « à travail égal, salaire égal » et risque de porter préjudice aux salarié·es qui se verront proposer la grille de salaire la moins disante dans le cas de programmes hybrides, le Spiac-​CGT a décidé de s’opposer à ce nouvel avenant.

Les Monteurs associés soutiennent cette position ; ils restent attachés à l’unicité de la convention et soutiennent pour le monteur et la monteuse, comme pour l’assistant·e, le principe d’une définition de fonction unique, quel que soit le genre de programme.

Pour que l’accord soit invalidé, il aurait fallu que la CFDT s’y oppose également (à eux deux le Spiac et la CFDT dépassent le seuil de repré­sen­ta­ti­vité de 50 % nécessaire pour s’opposer à un accord) mais elle s’est abstenue.

Au mois d’octobre se tiendra une négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Il ne tient qu’aux salariés de faire entendre d’ici-là leur voix pour peser sur la suite des négo­cia­tions.
 


(1) À ce sujet, Les Monteurs associés ont instamment demandé aux partenaires sociaux la suppression du poste de « monteur » de la filière Image. LMA milite également pour rétablir la filière montage actuel­le­ment fondue dans la post­pro­duc­tion.