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Convention collective du cinéma : cérémonie de clôture

Voici le communiqué que Les Monteurs associés publient à la suite de la signature de l’avenant du 8 octobre 2013 à la convention collective du cinéma.

Paris, le 5 novembre 2013

Enfin une convention collective étendue dans le cinéma ! Un événement historique, nous a t-​on dit ! Nous qui depuis tant d’années voulions si ardemment mettre un terme à la dégradation continue de nos conditions de travail, nous devrions être les premiers à nous en réjouir.

Hélas ! L’avenant signé le 8 octobre 2013 dénature pro­fon­dé­ment le texte que nous avions soutenu. C’est un camouflet à la définition même de convention collective puisqu’il entérine la division du cinéma en trois niveaux : les films bien dotés avec des salaires de base, les films « déro­ga­toires » (lire « sous-​financés ») avec des salaires amputés, et les films pauvres, carrément exclus des grilles de salaires.

Est-​ce qu’une convention peut se dire collective…

Quand presque la moitié des films produits chaque année ne seront pas payés au tarif de base ?

Quand la limitation des films déro­ga­toires à 20 % de la production annuelle a été ingé­nieu­se­ment dénaturée (élar­gis­se­ment de l’assiette des films pris en compte, exclusion des films à moins d’un million d’euros, relèvement des seuils d’admission) et que les salaires minorés deviennent monnaie courante ?

Quand ce système dérogatoire, qui devait arriver à échéance au bout de cinq ans, pourra être indé­fi­ni­ment « prorogé » ?

Quand en créant un ghetto pour les films à moins d’un million d’euros de budget, on ressort les idées périmées qui avaient accouché du funeste Contrat d’insertion pro­fes­sion­nelle (CIP), une loi mort-​née qui voulait instituer des salaires au rabais pour les jeunes, au prétexte de les insérer dans la vie pro­fes­sion­nelle ?

Foin du principe « à travail égal, salaire égal », notre travail n’a plus de valeur propre, ce qui compte dorénavant ce sont les budgets, auxquels nous devons adapter nos salaires. Peu importe que nous puissions en vivre. Nous voilà transformés en laboratoire social grandeur nature. Espérons que le sujet inspire certains cinéastes soucieux du sort réservé aux salariés.

Censée combattre la désa­gré­ga­tion salariale, cette convention collective a finalement posé un calque sur la « réalité économique » et rend légales des pratiques illégitimes.

Pour couronner le tout, il est désormais établi que sur un grand nombre de films de cinéma, nos salaires vont être très largement inférieurs à ceux de la télévision, couverte depuis avril 2000 par la convention collective de la production audio­vi­suelle. Et pourtant les tarifs de cette dernière n’ont pas été réévalués depuis quatre ans !

Le feuilleton de la convention collective est pro­vi­soi­re­ment bouclé mais rien ne sera plus comme avant et la « grande famille du cinéma » est bien mal en point. En attendant une suite que nous espérons meilleure et pour laquelle nous ne baisserons pas les bras, voici venu le moment de clore la cérémonie et de procéder aux remer­cie­ments d’usage :

Merci à ceux des réa­li­sa­teurs qui ont lutté vigou­reu­se­ment pour la baisse de nos salaires, se substituant à nos employeurs, et trans­for­mant en dû légal les cadeaux que nous leur avions offerts… si naïvement.

Merci à ceux qui nous ont dit que nous étions riches.

Merci à ceux qui ont déclaré que nous étions les fossoyeurs du cinéma.

Merci et bravo aux conseillers en com­mu­ni­ca­tion des producteurs pour leur très efficace campagne d’intoxication et de propagande qui a caricaturé durablement la convention signée le 19 janvier 2012.

Merci à nos employeurs pour la formidable énergie déployée contre leurs salariés, s’évitant ainsi tout véritable effort pour obtenir ensemble une profonde réforme du système de financement du cinéma, autrefois vertueux, aujourd’hui à bout de souffle.

Merci au gou­ver­ne­ment pour s’être laissé berner encore une fois par des cris d’orfraies, après ceux des pigeons et autres poussins.

Merci encore au gou­ver­ne­ment pour la grande fermeté dont il a su enfin faire part pour contraindre les syndicats de salariés à signer cet avenant, en brandissant la menace de suspendre l’arrêté d’extension qu’il venait pourtant de publier quelques jours auparavant.

Merci toujours au gou­ver­ne­ment d’avoir obtenu la signature des producteurs en échange d’un crédit d’impôt, pris directement dans la poche du contri­buable, alors que le CNC se voit ponctionné cette année de 90 millions d’euros issus des entrées en salle et des opérateurs privés (150 millions d’euros en 2012).

Enfin, et cette fois-​ci sincèrement, merci à tous ceux qui se sont exprimés et battus pour défendre l’idée d’un cinéma unifié et mutualisé qui n’oppose pas les gros aux petits, les riches aux pauvres, les créateurs aux « exécutants », les artistes aux vulgaires… Ce cinéma, vivant, vital, riche de toutes ses composantes, et respectueux des droits sociaux, peut exister, nous en sommes pro­fon­dé­ment convaincus. Un cinéma qui vaut le coût…

Le conseil d’administration des Monteurs associés