Dans le cadre des Rencontres du cinéma documentaire, Périphérie et Les Monteurs associés organisent un débat intitulé « La HD, un plat trop riche pour le documentaire indépendant ? ».
Ce débat se tiendra le 9 octobre 2012 de 14 h 30 à 17 h 30 au cinéma Le Mélies (centre commercial Croix de Chavaux à Montreuil, métro Croix de Chavaux). Modération : Michèle Soulignac, Anita Perez.
Il est aujourd’hui donné à (presque) tous de tourner en HD.
Par rapport à la vidéo numérique, l’image est plus belle et le discours des industriels s’est répandu sans être vraiment questionné : avec la HD, TOUT est possible. Difficile de résister à cet argument, et pourtant l’examen un tant soit peu approfondi de la réalité démontre très vite que ce n’est pas si simple…
Ou plutôt, comme toute innovation technique qui a été principalement dictée par l’industrie (ici, informatique), avec de multiples, évolutifs et peu explicités codages de l’image et du son, il n’est pas certain que réalisateurs, producteurs et techniciens s’y retrouvent. Plus précisément, nous voudrions échanger ensemble sur les manières dont le documentaire de création se fait en cinéma numérique.
Cela tout au long de sa chaîne de fabrication, dont nous exclurons, pour cette fois et pour une raison de temps, la diffusion.
La fabrication des films, tournage, montage
Plusieurs réalisateurs et chef-monteurs témoignent de leur travail en HD et comparent avec les autres supports qu’ils ont pu utiliser :
François Caillat, réalisateur, opérateur de certains de ses films, qui a connu et utilisé tous les supports depuis le 35 mm ;
Alessandro Comodin, réalisateur, opérateur, producteur, jeune homme qui tient à tourner en pellicule ;
Daniela de Felice, réalisatrice, monteuse, qui mêle dans ses films tournages réels et éléments d’animation ;
Diane Baratier, réalisatrice et opératrice, habituée des solutions « artisanales » pour des films peu fortunés, alliant rigueur et ambition cinématographique. A en cours de réalisation un film sur le passage de l’argentique au numérique ;
Sophie Bousquet-Fourès et Benoît Alavoine, chefs-monteurs, reviennent sur leurs expériences très différentes des « retouches/trucages » que la HD permet à l’étape du montage ;
Ludovic Arnal (Arsenal Productions) explique comment un jeune producteur doit aujourd’hui connaître et tenir compte des particularités de la HD.
Tous racontent des aventures singulières de films, en quoi la HD a pu favoriser ou pénaliser leur travail, seul ou en équipe. Ils réfléchissent, d’un point de vue éthique, sur le « tout est possible » en ouvrant la boîte de Pandore vertigineuse de la capacité, avec la HD, de modifier complétement les rushes : i.e. recadrer, refaire le travail de l’opérateur, modifier la relation aux personnes filmées, repousser à l’infini la question des choix…
La post-production
Julien Pornet (Périphérie) se tient à la porte d’entrée de la salle de montage et accueille les équipes.
Les rushes amenés par les réalisateurs ont parfois été tournés sur des années, ils se composent de divers supports, formats, ont été tournés seul ou en équipe, le son peut avoir été enregistré séparément de l’image…
À cette étape, le leitmotiv du « tout est possible » montre déjà ses limites. Avant que réalisateurs et monteurs puissent commencer leur travail sereinement, « normalement », Julien Pornet alerte sur les multiples cas de figures, les problèmes à surmonter dont la résolution nécessite un temps toujours pris sur celui du montage lui-même.
À la fin du montage, vont se reposer avec acuité les questions de choix technique des sorties, alors que les besoins pour la diffusion ne sont pas toujours clairement établis ou prévisibles.
Il apparaît clairement la nécessité d’une concertation technique rigoureuse. Mais est-elle possible, alors qu’elle devrait être appliquée à des films-prototypes ? Des films qui sont, le plus souvent, tournés dans des économies et des conditions qui mettent ce suivi technique hors de portée ?
Jean-Guy Véran, mixeur, expose la manière de travailler au montage son et au mixage, avec cette nouvelle technique. Il revient sur ce qui a changé pour le son.
À chaque étape s’imposent les pertes de temps dues aux incompatibilités des codages informatiques, au renouvellement effréné des logiciels et des matériels…
Quand de nouvelles techniques modifient les pratiques professionnelles, il convient de réfléchir sur les effets induits par ces changements. Comment des films documentaires, de moins en moins bien financés, peuvent-ils atteindre l’homogénéité technique requise par des normes informatiques en perpétuelle évolution ? Quelles sont les conséquences sur la liberté de création ? Peut-on tenter d’établir ensemble des « procédures » pour ne pas se laisser envahir par l’impérialisme de la technique ?