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LMA soutient la tribune de la SRF « Police partout, images nulle part »

La Société des réa­li­sa­teurs de films (SRF) publie ce jeudi une tribune dans Libération alertant sur les dangers de la proposition de loi « Sécurité globale » qui sera présentée au Parlement le 17 novembre, et qui porte notamment atteinte à la liberté d’informer.

Cette tribune (à lire ci-​dessous) est soutenue par de nombreuses per­son­na­li­tés, collectifs et asso­cia­tions, dont LMA.


Police partout, images nulle part

Le 14 septembre, les cinéastes de la Société des réa­li­sa­teurs de films, à travers un texte intitulé l’Œil et la main de Darmanin, dénonçaient la volonté du ministre de l’Intérieur d’exiger que les médias et les réseaux sociaux floutent les visages des policiers en opération. Cette volonté s’est transformée en une proposition de loi au titre glaçant : « Sécurité globale. » Passée en commission des lois la semaine dernière, elle sera débattue à l’Assemblée le 17 novembre. En trois articles (21, 22, 24), le gou­ver­ne­ment se propose de déréguler l’utilisation des caméras mobiles portées par les forces de l’ordre, de permettre la recon­nais­sance faciale en temps réel, d’étendre la sur­veillance par drone, d’interdire au public de diffuser l’image de policiers. Cette loi, dont le rédacteur principal est l’ancien chef du Raid, préfigure une société gouvernée par la peur où les citoyen·ne·s, privé·e·s du droit de porter un regard sur les agissements de la police, verraient en retour leurs corps exposés sans limite à la sur­veillance des forces de l’ordre. Elle dessine un paysage asymétrique, sorte de panoptique géant, où nos libertés fon­da­men­tales sont gravement menacées, en premier lieu le droit à la vie privée et la liberté d’information.

Après avoir pro­gres­si­ve­ment entravé les mani­fes­ta­tions de rue et grièvement blessé ou mutilé des dizaines de personnes, il s’agit désormais de sys­té­ma­ti­ser l’identification, la sur­veillance, le fichage des individus souhaitant exercer ce droit fondamental. Après avoir nié et inva­ria­ble­ment refusé de sanctionner les violences policières, il s’agit d’en effacer toute preuve, dans la mesure où seules les images tournées par des filmeurs anonymes permettent aujourd’hui d’en témoigner. Pour nombre de cinéastes, cette loi consti­tue­rait une censure pure et simple. Un film tel que le récent Un pays qui se tient sage de David Dufresne ne pourrait voir le jour, la majorité des sources d’images qu’il utilise tombant sous le coup de la loi. À l’hégémonie gran­dis­sante des images du pouvoir, les cinéastes, les pho­to­graphes, les jour­na­listes, ainsi que tou·te·s les habitant·e·s de ce pays doivent être en mesure d’opposer leurs propres images. Rappelons que l’Etat de droit tire avant tout sa légitimité du droit de porter un regard sur ce que fait l’État.

Mesdames et messieurs les député·e·s, nous ne voulons pas d’un monde de sur­veillance généralisée, régi par un œil tout puissant sur lequel aucun regard ne pourrait se porter. Ne votez pas pour une loi qui rendrait les contre-​pouvoirs aveugles, ils sont les garants de notre démocratie.