Montage, notre beau souci

« Malgré les textes innom­brables, les études de psy­cho­lo­gies du film, les des­crip­tions anciennes et nouvelles, et d’abord simplement la répétition incal­cu­lable de son expérience à travers le monde chaque jour, devant tous les écrans, on ne sait toujours pas assez ce que fait le montage. » (« Montage total » de Cyril Béghin, in Cahiers du cinéma n°742, mars 2018).

Est-​ce parce que le montage et la mise en scène sont inter­dé­pen­dants qu’il est difficile d’en saisir la part, l’apport ?

Notre travail se fait dans le huis clos de la salle de montage, c’est la relation de trois personnages : le réalisateur, le monteur et le film en devenir. La nature de cette relation est impossible à dévoiler, elle est intime, secrète, et évolue au cours du temps du « travail ». Son objet est le film, et c’est là qu’il émerge. Ce long moment de suspense n’est pas partagé par les autres et c’est bien ainsi.

Cette invi­si­bi­lité du travail effectué est-​elle en partie responsable de la place que notre métier occupe dans la grille de salaires de la production ciné­ma­to­gra­phique et audio­vi­suelle ?

Nous sommes les chefs de poste les moins bien payés avec une conséquence directe sur les salaires de nos assistant·e·s. Cette consta­ta­tion est plus qu’ancienne, elle est consti­tu­tive de notre situation et de l’histoire du montage en France : le poste de chef monteuse était occupé par des femmes donc les salaires étaient à la hauteur de l’estime que l’on leur concédait. Cela dure depuis, même si des hommes les ont rejointes.

L’augmentation de nos salaires est une reven­di­ca­tion réitérée depuis un nombre effarant d’années… Pourquoi n’a t-​elle pas été prise en compte ? Est-​ce parce que nous nous sommes contentés de demander et de répéter inlas­sa­ble­ment les mêmes arguments ?

Aujourd’hui il faut passer des paroles à l’acte, un acte important : être avec tous nos collègues de l’après tournage en grève les 10, 11 et 12 avril. C’est un choix difficile mais décisif si nous voulons enfin prendre notre place et faire reconnaître à sa juste valeur la place du montage dans le processus de création du film.

Il est temps de sortir de l’ombre de la salle de montage.

Nous avons mis en place un Doodle pour que vous nous indiquiez si vous par­ti­ci­pe­rez à ces journées de mobi­li­sa­tion. Merci de le remplir rapidement car il est important pour nous de pouvoir nous compter.

Si vous ne travaillez pas dans le cinéma à cette date, votre soutien au mouvement (affichage, com­mu­ni­ca­tion avec vos collègues, par­ti­ci­pa­tion à l’assemblée générale du 10 avril dont les modalités pratiques vous seront com­mu­ni­quées bientôt) est primordial ; le secteur audiovisuel connait les mêmes problèmes et toute avancée dans le cinéma aura des consé­quences bénéfiques.