Quand parle-t-on de journées isolées ? Lorsqu’on travaille moins de 5 jours consécutifs. Il peut donc y avoir de 1 à 4 journées isolées dans une semaine civile. Cette situation concerne en premier lieu les assistant·e·s, souvent embauché·e·s à la journée mais aussi les chef·fe·s monteur·euse·s.
Ces journées isolées devraient être majorées mais elles sont fréquemment payées par les employeurs en divisant le salaire à la semaine par 5, particulièrement dans le secteur du cinéma. (À partir de 5 jours consécutifs, c’est le salaire hebdomadaire qui s’applique.) C’est illégal, cela ne correspond pas à ce qui est écrit dans les conventions collectives.
Pourtant, voici ce qu’on entend fréquemment de la part de certains employeurs (ou de leurs représentants) :
« On regroupe tes journées et on te les met à la suite de la dernière semaine travaillée, ça arrange tout le monde et ça évitera de te faire plusieurs contrats. »
« Une majoration pour les deux jours que tu as fait cette semaine ? Ah ! mais non, ça c’est seulement pour les renforts. Toi, tu travailles depuis plusieurs semaines sur ce projet. »
Soit les salariés ignorent l’existence de la majoration afférente aux journées isolées, soit l’employeur ignore (ou feint d’ignorer) les conventions collectives sur le sujet.
Et de fait, notre dernière enquête (dont les résultats seront publiés d’ici la fin de l’année) montre que 59,5 % des répondants déclarent ne pas connaître la réglementation sur les majorations. Et sur 141 projets ayant donné lieu à des journées de travail isolées, dans 85 % des cas elles n’ont pas été majorées.
Le fameux « Ça arrange tout le monde » (et sa variante « On s’arrange ») n’arrange en réalité que l’employeur… Quant à l’argument du renfort, il s’agît là, de la part des employeurs, d’une interprétation des conventions.
Voici les dispositions des deux conventions collectives (audiovisuel et cinéma) sur les journées isolées, que vous pouvez rappeler à votre employeur :
Pour l’audiovisuel
Voici l’article de la convention de la production audiovisuelle qui définit le principe du paiement des journées isolées (extrait) :
Titre IV • IV.2.1 Nature du contrat de travail
« (…) Lorsque le contrat de travail (CDDU) a une durée égale ou inférieure à 4 jours, le salaire minimum journalier applicable est déterminé, pour prendre en compte l’accroissement de précarité qui en résulte, en divisant par 4,5 le salaire minimum hebdomadaire correspondant. »
Pour le cinéma
Voici les deux articles de la convention de la production cinématographique qui définissent le principe du paiement des journées isolées (extrait) :
Titre II • Article 16 • Contrat de travail
« (…) Les contrats seront conclus pour l’une des durées suivantes :
- pour la durée déterminée prévisionnelle de l’emploi correspondant à la réalisation du film ;
- pour une durée déterminée de date à date ;
- à la journée, pour toute durée inférieure à 5 jours consécutifs dans la même semaine civile.
Dans ce dernier cas, la journée est indivisible et payable pour 7 heures au minimum. »
Titre II • Article 34 • Engagement à la journée hors forfait jours
« Le salaire horaire de base minimum garanti est majoré de 25 %.
Les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée de 7 heures sont majorées de 50 % du salaire horaire de base minimum garanti. Au-delà de la 10e heure, elles sont majorées de 100 % du salaire horaire de base minimum garanti.
La rémunération journalière minimale garantie ne peut être inférieure à 7 heures. (…) »
Application pratique
Dans l’audiovisuel, pour tout contrat inférieur à 5 jours, le salaire journalier s’applique, c’est-à-dire que chaque journée est payée sur la base du salaire hebdomadaire divisé par 4,5 (et non 5).
Dans le cinéma, deux principes : d’une part la journée est indivisible (pas de demi-journées ou de calcul à l’heure), d’autre part la durée minimum est de 7 heures, majorées de 25 %. Si vous faites une journée de 8 heures, il faudra ajouter une heure majorée de 50 %. Au-delà de la 10e heure, la majoration est de 100 %.
Attention, cela ne concerne pas les contrats d’une ou plusieurs semaines consécutives et dont les dernières journées s’achèvent avant la fin d’une semaine civile.
Dans tous les cas, pour faire valoir vos droits, exigez de la production un contrat de travail au plus tard dans les 48 heures qui suivent l’embauche, quelle que soit sa durée, et pour chaque nouvelle période de travail.
Certaines productions établissent (souvent une fois le travail terminé) des contrats plus longs que la période de travail effectif. Par exemple, votre contrat couvre une période du 12 septembre à fin décembre, mais en décembre vous ne travaillerez qu’une semaine complète, plus quelques journées isolées. Dans ce cas, les productions considèrent que ces journées n’ont pas à être majorées puisqu’elles sont couvertes par le contrat. C’est une interprétation des conventions collectives que rien ne justifie d’un point de vue légal. Nous vous recommandons de signaler à la production que ces journées doivent être majorées.