Comment monter les actualités ?

1) Une réunion avec la CST est prévue le jeudi 6 juin afin de préparer une rencontre avec l’ANPE courant juillet 2002, ceci en vue de l’intégration d’une branche montage à part entière sur le site de l’ANPE.

2) Une réunion avec le groupe 25 images (association de réa­li­sa­teurs de films de télévision) aura lieu le 13 juin : une douzaine de membres de l’association iront parler avec eux de la place du monteur, de l’équipe de montage, du mixage, du rapport avec le réalisateur, etc. Compte rendu à la prochaine AG.

3) Le 4 juin a eu lieu une rencontre avec l’association Les pieds dans le PAF (association de télé­spec­ta­teurs insa­tis­faits de la manière dont les télés rendent compte des infor­ma­tions et autres, qui désirent être acteurs de la télévision, bref qui sont en colère au vu de la dés­in­for­ma­tion et des mani­pu­la­tions subies par les télé­spec­ta­teurs). C’était une prise de contact ; plusieurs autres asso­cia­tions étaient présentes. Ils essaient de regrouper un collectif d’associations pour repenser la télévision — surtout publique (les programmes et le financement avec moins de publicité). Ils nous ont demandé si nous étions intéressés pour participer à des débats, des opérations, des pétitions, etc., pour à terme faire naître ce nouveau collectif. Nous allons d’abord prendre connais­sance de leur plateforme (qui est publiée, et sans doute consultable sur leur site), participer à d’autres réunions avant de s’engager peut-​être davantage. À suivre, donc.

4) Une rencontre avec Addoc sur le thème du regard, l’éducation du regard, la trans­mis­sion, a également eu lieu. Certains membres de l’association y ont assisté. D’autres débats sont prévus (ren­sei­gne­ments sur le site d’Addoc).

5) À propos du nouveau forum de notre site : on reçoit toutes les com­mu­ni­ca­tions émises, sauf si on s’est désinscrit au préalable. Il faut savoir que si on s’est désinscrit (par exemple parce qu’on se sent trop inondé de courrier), on continuera de recevoir les comptes rendus mensuels. Il y a, pour tout comprendre, un mode d’emploi à lire sur le site.

6) À propos de l’indemnité repas pour les monteurs travaillant sur des productions de l’audiovisuel : nous préparons une pétition pour que les indemnités prévues par l’USPA soient un peu plus réalistes (sur le mode : 6 euros c’est bien, mais manger à sa faim c’est mieux).

7) Nous avons commencé à aborder le problème des monteurs remplacés en cours de montage. Nous allons en parler avec les réa­li­sa­teurs présents lors de la rencontre avec 25 Images. Nous prévoyons un débat lors d’une prochaine AG (à la rentrée) pour en parler ensemble (si vous êtes intéressés, si vous voulez faire part de votre expérience, on fera circuler une feuille à l’AG de juillet pour qu’un groupe se mette en place afin de préparer ce débat). Nous avons aussi évoqué le fait qu’il faut trouver entre nous des règles de déontologie simples (sur le passage de relai, sur l’apparition des noms au générique, etc.).

8) Les ateliers

  • Atelier son : ils préparent un texte pour les producteurs (leur expliquer en quoi au juste consiste cette histoire de montage son !) et un texte sur les sonothèques.
  • Atelier formation : l’atelier suit son (long) cours.
  • Atelier projections : l’atelier s’est mis récemment en place dans le but d’organiser régu­liè­re­ment des projections de films (courts, longs, docu, fictions) proposés par les membres de l’association (qu’ils en soient les réa­li­sa­teurs, les monteurs, les spectateurs). Ces projections auront sans doute lieu tous les 2 mois, dureront dans les 2 heures et seront suivies de discussions. Aucune salle de projection n’étant libre pour les semaines (et mois) à venir, le cycle démarrera plutôt en septembre. Faites part de vos pro­po­si­tions à Hélène Viard.
  • Atelier État des lieux : tous les ques­tion­naires sont dépouillés et « expertisés » (les résultats s’expriment pour l’instant en pour­cen­tages, sta­tis­tiques, schémas, etc.). Il y a encore du travail pour penser une lecture et une pré­sen­ta­tion de tous ces résultats. Sur les 600 ques­tion­naires envoyés, ils ont eu pour l’instant 115 réponses. Il semble qu’il y ait eu une majorité de chefs monteurs, et plutôt dans le long métrage, à répondre ; et donc l’atelier s’interroge sur la repré­sen­ta­ti­vité des résultats quant à la situation plus générale de la profession. Il faut continuer à remplir et envoyer les ques­tion­naires (même sans répondre à toutes les questions) afin que les résultats soient plus complets et plus justes. Les données seront mises à jour régu­liè­re­ment.
  • Atelier Santé : l’atelier sera plus en forme après les vacances.

9) Le Manifeste 01 : il faut continuer à le diffuser (le vendre, le donner autour de soi). Appeler Anita qui a beaucoup d’exemplaires encore à disposition.

10) Le débat : comment monter les actualités ?
Lecture du texte de Pascal Montagna (la formation, le formatage) — cf. ci-​dessous.

On a discuté de la notion « d’accroche » à la télé, ainsi que de l’apprentissage de la grammaire audio­vi­suelle à l’école, la lecture des images et des sons par les tous jeunes, pour qu’ils sachent plus tard déchiffrer ce qu’on leur fournit à la télé (qui a pour certains remplacé les livres et les journaux).

Certains ont parlé de leur expérience en ce qui concerne le montage de films sur le Front national, à quel point il est éprouvant et compliqué de travailler sur ce discours et ces images : on n’en sort pas indemne.

Discussion à propos du film Un coupable idéal et des décla­ra­tions satisfaites du producteur quant au changement de monteur.

Discussion à propos de l’Ennemi intime, film de P. Rotman, le montage des archives sur la torture, les crimes de guerre, l’utilisation ou non de musique, etc.

Le débat du mois prochain : « Casting de monteurs (comment engage-​t-​on un monteur ?) »

Prochaine AG le 3 juillet 2002 suivie d’un petit pot pour fêter le 1er anni­ver­saire de l’association.

Annexe : texte de Pascal Montagna

Avant d’aborder le problème de la formation au montage, je sou­hai­te­rais élargir, au préalable, à celui de la formation en général.

Que sanctionne-​t-​on lors de l’obtention d’un diplôme suite à des études ou à une formation ? Outre l’acquisition de connais­sances, on récompense l’enseigné pour sa réussite à passer, de manière régulière, toute une batterie de tests et d’épreuves que l’on appelle examens. À ces occasions, on ne demande pas forcément à l’enseigné de faire preuve d’un travail de création ou de réflexion originale mais de montrer qu’il a bien intégré ce qu’on lui avait appris. L’esprit d’analyse se forme après, lorsque l’élève peut mettre en perspective, comparer, critiquer. Aussi l’étudiant (dans le cas présent l’étudiante qui vient filmer la prochaine AG de l’association) n’est pas responsable de ce qu’on lui demande de faire et du traitement qu’il doit utiliser pour le faire.

Parce que ce que l’on enseigne ce ne sont pas seulement des connais­sances mais aussi des idées (pour ne pas dire des idéologies) et l’obtention du diplôme dépend également de la docilité de l’élève à s’y soumettre.

À un étudiant en montage, en réalisation ou en journalisme, on demandera de bien (re)faire un reportage ou un sujet d’actualité « comme on en voit à la télé », qui soit diffusable, broadcast comme on dit (a), c’est-à-dire consensuel. Et pour cela, pas besoin de donner de direction pédagogico-​éditoriale précise. On mise sur la connais­sance intuitive du traitement conven­tion­nel d’une information que possède l’étudiant. Il sait qu’il faut faire simple et court pour une plus grande com­pré­hen­sion auprès d’un publique que l’on présuppose ignorant et inculte. Et de plus, on n’a pas le temps de dire ni de faire dans la subtilité, le détail, la nuance.

Que l’on propose un sujet sur l’insécurité (exemple pris au hasard des JT et émissions dite de reportage diffusés ces derniers mois sur les télés nationales) et les stéréotypes pleuvent. Les acteurs : la police et les « jeunes », le lieu : la banlieue, l’action : des attrou­pe­ments de nuits, des jets de pierres et des inter­pel­la­tions musclées (mais justifiée par le commentaire). Il faut des images chocs, que l’on n’hésite pas à répéter ou à ralentir, un rythme soutenu, un commentaire concis, une musique et des sons qui accrochent, captent l’attention. Ils soulignent l’intensité dramatique du sujet et tiennent le télé­spec­ta­teur en haleine jusqu’à la fin du reportage. Il faut cliper l’action, zapper les plans pour empêcher le télé­spec­ta­teur de zapper les chaînes.

Et l’élève qui aura suivi ces directives se verra récompensé. Peut-​être y en aura-​t-​il quelques-​uns pour sortir des sentiers battus du « poli­ti­que­ment correct », pour élargir le thème à d’autres lieux, d’autres acteurs, voire même pour remettre en cause les images qui lui sont soumises. À ceux-​ci on dira, comme on me l’a rapporté lors d’un jury pour des formations continues à l’Esra en 1999, qu’il s’agit d’un traitement docu­men­taire mais pas d’un reportage d’actualité. Et la seule leçon retenue sera qu’il ne faut pas sortir du rang sous peine de faire du hors-​sujet. Le sujet d’actualité doit donc être pris sur le vif, dans la spontanéité de l’action. Pour plus d’objectivité soi-​disant. En fait, l’impératif véritable est que le sujet doit passer, coûte que coûte. On ne doit pas laisser de blanc dans le journal, de noir à l’antenne. La ter­gi­ver­sa­tion n’est pas de mise. L’enquête ? connaît pas.

On n’agit pas autrement en salle de rédaction. Le JRI (journaliste-reporter-d’images) comme on dit maintenant, sait quoi dire et comment le dire. L’autocensure s’exerce dans le sens du consensus. La formation reflète la manière dont est exercée une activité dans un secteur pro­fes­sion­nel. Le journaliste d’actualité ou le réalisateur de reportage n’est plus maître de ce qu’il dit ou écrit. Alors pourquoi le monteur d’actualité ou de reportage le serait-​il plus de ce qu’il monte ?

Il serait inima­gi­nable qu’un instituteur apprenne à lire et à écrire à des enfants sans préciser le sens des mots qu’il enseigne et leur place dans la phrase pour lui donner un sens. De même il est de la res­pon­sa­bi­lité du formateur de sen­si­bi­li­ser au sens donné par le montage. Et parce que le montage donne un sens à l’image, du coup il la rend crédible, vraie, authentique. Ce qu’il faut enseigner, alors, c’est une réflexion sur la res­pon­sa­bi­lité qui incombe au jeune monteur lors de la pratique de son métier. Ça s’appelle une déontologie. Mais si certains jour­na­listes ont, eux-​mêmes, abandonné cette pratique, comment les monteurs peuvent-​ils être les derniers pôles de résistance pour donner aux sujets d’actualité un sens et un contenu objectif ?

Le dernier rempart semble être alors le télé­spec­ta­teur lui-​même. Mais a-​t-​il vraiment conscience de la portée politique véhiculée par le moindre reportage, même le plus anodin, à travers ce qu’il montre ou bien ce qu’il cache ? Sans esprit critique de la part de celui qui reçoit ces images, le montage est une arme dangereuse. Il faudrait donc apprendre à ce télé­spec­ta­teur à les lire, à les comprendre et à les critiquer. Car en fin de compte le monteur de reportage ou d’actualités, formé ou pas, ne peut pas grand choses face aux grandes lignes éditoriales venues d’on ne sait où. Et si Untel ne veut pas monter tel sujet, un autre le fera. La diffusion des sujets à la télévision qui tendent vers plus de sen­sa­tion­nel, de trash et de voyeurisme trouve une audience de plus en plus grande auprès du public. Mais ce n’est pas un fait nouveau.

Les exécutions en place publique étaient, jadis, les spectacles qui attiraient le plus de foule. Si la peine de mort était rétablie et diffusée à la télé il n’est pas bien difficile d’imaginer les sommets atteint par les scores d’audience. Combien y aurait-​il alors de monteurs pour refuser un reportage sur les derniers jours d’un condamné ? Car en définitive voilà bien la première chose à apprendre à celui qui veut se lancer dans la profession. Au-​delà des techniques et des problèmes de raccord image, de la gestion des disques durs qui plantent et des humeurs d’un journaliste ou réalisateur, il y a la production, cliente du diffuseur à qui il faut savoir dire non. Mais en a-​t-​on vraiment les moyens ?

Après le montage point de salut, vient alors le temps de la diffusion où le télé­spec­ta­teur ingurgite des images pré-​jugées, pré-​pensées pour lui. Il est déjà trop tard.

(a) Le terme de broadcast était utilisé, au départ, pour désigner la validité technique du sujet : pas de sons saturés, mire de barre calibrée, pas de drops. Il m’arrive fréquemment d’entendre dire, aujourd’hui, qu’un sujet est braodcast parce qu’il rentre par­fai­te­ment dans la case rédac­tion­nelle qui lui est attribuée, parce qu’il dit par­fai­te­ment ce qu’on veut lui faire dire.