Les Monteurs associés en partenariat avec l’Association française du son à l’image (AFSI) organisent le samedi 26 mai 2012 un séminaire dirigé par Daniel Deshays, intitulé « Construire le son d’un film : un jardinage du mouvant ». Ce séminaire fait suite à la conférence « Entendre le cinéma » que Daniel Deshays nous avait donnée le 8 juin 2010.
Cet événement, ouvert à tous (adhérents ou non), aura lieu salle Jean Renoir à La fémis (au 2ème étage), de 11 heures à 17 heures, avec une pause déjeuner autour d’un buffet. Exceptionnellement une participation aux frais vous est demandée. Elle est de 5 € pour les adhérents et de 10 € pour les non-adhérents, à régler le jour même.
Pour y assister il vous faut impérativement réserver à l’adresse mail suivante : monteursassocies@gmail.com (merci d’indiquer vos noms et prénoms et de préciser en objet : « séminaire Deshays »). La date limite de réservation est fixée au mercredi 23 mai. LMA dispose de 110 places ; les réservations seront traitées par ordre d’arrivée.
Vous trouverez ci-dessous le texte de présentation de ce séminaire écrit par Daniel Deshays.
La métaphore du jardinage
Toute construction sonore cinématographique est conçue à partir de l’image. C’est une longue tradition qui trouve sa source à l’arrivée du cinéma sonore. Le muet a établit les règles : l’image sera première dans l’ordre de la construction. En s’ajoutant à l’image le son confirme ce qui est vu. Associés, sons et images fusionnent. Ils produisent un unique effet de réel qui fait disparaître la représentation produite séparément par chacun. Les plans se succèdent mais chacun ne représente qu’un unique espace mêlant visuel et sonore. Là, tout son importé qui appartient au hors champ semble relever du même espace que les images, même s’il a été rapporté d’un tout autre lieu. Si tout son resynchronisé draine avec lui le lieu dont il est issu, ce lieu étranger va muer sous la puissance de l’image pour sembler appartenir au monde unique défini par elle. Rompre le synchronisme c’est faire éclater l’homogénéité reconstruite de l’espace audiovisuel unique. Les espaces visuels et sonores séparés se mettent alors à exister séparément. La désynchronisation est le lieu de co-existence des espaces et des temps dans un même plan.
Dans son œuvre Film-Socialisme Jean-Luc Godard nous mène plus loin, il propose une reconstruction multiphonique non centrée des sons. Rompant avec la « monodie » sonore du cinéma, il nous place face à une diversité co-existante : un différentiel surgissant qui semble rétablir un dissensus sonore, comme échafaudé sur le dissensus démocratique. Face à une parole un bruit ou une musique, conçus pour arriver ensemble, associés dans un même espace de représentation, il nous place face à une diversité synchronique dissociée, sortant séparément dans chaque haut-parleur. Elle fait éclater d’un coup cette idée de l’unité sonore assemblée dans un même espace homogène qui semblait si bien établie ; là c’est toute l’histoire de la représentation sonore cinématographique qui bascule.
L’idée de la coexistence autonome des sons et des images invite à penser d’autres modalités d’échafaudage de l’œuvre. Le son peut être pensé et construit dès le début, avant l’image. Tenter de construire à partir du son serait mettre en œuvre de nouvelles hypothèses.
La métaphore du jardinage, outil de construction, aiderait ainsi à garder du recul sur l’ensemble de la démarche. Interrogeant le morcellement des tâches elle permettrait d’unir les démarches simultanées dans une conscience de globalité. Coexister n’est pas fusionner. Le jardin, zone de réunion de la diversité des espèces permet à chacune d’évoluer dans un temps qui lui est spécifique. Multiplier et éclaircir. La patience est de mise. L’éclaircissement est nécessaire. Comme les plants, les sons aussi multiples soient-ils, entre surgissement et disparition, ne peuvent être considérés qu’un à un.
Daniel Deshays, ingénieur du son au cinéma, au théâtre et pour le disque, est responsable de l’enseignement du son à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt) ; il a fondé l’enseignement du son à l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba). Il est l’auteur de 50 questions pour une écriture du son et de Entendre le cinéma, parus aux Éditions Klincksieck (Paris).