Documentalistes/​monteurs : enfin la rencontre !

Cette réunion était présentée par Alice de Lima et Sarah Turoche, ainsi que Charlotte de Luppé et Sharon Hammou, docu­men­ta­listes et membres de Solidoc (Collectif des docu­men­ta­listes et recher­chistes solidaires) et du PIAF (Professionnels de l’image et des archives de la fran­co­pho­nie).

La réunion s’est tenue en présence de nombreux docu­men­ta­listes, heureux d’ouvrir le dialogue avec les gens du montage. Nous avons partagé expériences, problèmes techniques et anecdotes (par exemple, un réalisateur qui demande une photo du docteur Parkinson… mort en 1824 !) pour tenter de mieux collaborer.

Ci-​dessous quelques notes prises pendant la réunion ; les thèmes sont en gras, les docu­men­ta­listes en réponse. Une fiche conseil a été élaboré conjoin­te­ment : Documentalistes/​monteurs : pour bien travailler ensemble.

Qu’est-ce qu’une archive ?
Pour un film ou un docu­men­taire, est archive tout ce qui n’a pas été tourné pour le projet, que ce soit des sons, des photos, des images en mouvement, voire des éléments dans le décor de tournage : images dans une télé, tableaux ou photos visibles, etc.

Quand travaillent les docu­men­ta­listes ?
Ils inter­viennent en amont, lors du déve­lop­pe­ment du projet avec la production et la réalisation. Pas 10 jours avant le début du montage ! Les délais trop courts ne permettent pas de faire des recherches appro­fon­dies, ni de faire un tri, ni de rentrer dans le budget.

Quand le montage débute, nous ne savons pas où vous en êtes dans votre travail.
Pour une durée de 20 à 30 minutes d’archives montées, on a en moyenne 20 jours de recherche. On commence très en amont, mais on garde des jours pour répondre aux demandes du montage. Et aussi pour faire le relevé des archives en vue de la confor­ma­tion, les commandes et rendus pour le paiement des droits.

On est submergé par le gros dossier Archives qui nous parvient.
Au temps de la pellicule, pour un 52 minutes, on fournissait dans les 7 heures de rushes. Maintenant la demande est à l’augmentation, on peut livrer jusqu’à 40 heures. Une monteuse ajoute : quand on fait un film à base d’archives, il faudrait avoir déjà une conception, ne pas tout écrire au montage en partant d’un tas de rushes.

La description des archives au montage est complexe.
On fait de petits descriptifs, mais on ne peut pas dérusher, on n’a pas vos yeux. Le classement n’est pas celui du projet, on n’a pas souvent le texte du film pour nous aider à comprendre l’utilisation qui va être faite. Une réunion de pré-​montage permet de se mettre d’accord sur les nomen­cla­tures.

Attention : surtout ne pas toucher au nom du fichier (la nomen­cla­ture). Il faut garder la source et la référence fournies avec les fichiers images. Attention aussi aux documents dont le TC incrusté à l’image ne correspond pas à la piste TC, c’est une source de gros problèmes puisque l’EDL ne cor­res­pon­dra pas à ce qui doit être commandé aux fonds d’archives pour la confor­ma­tion.

Pendant la durée du montage
Les docu­men­ta­listes prévoient 2 – 3 jours pour faire de nouvelles recherches, évaluer les coûts, etc. Généralement, les docu­men­ta­listes voient le film en fin de montage pour une estimation financière. On pourrait faire des allers-​retours en cours de montage, de façon heb­do­ma­daire même. Les docu­men­ta­listes appré­cie­raient d’être plus au fait du projet et de suivre l’évolution du film et de l’utilisation des documents.

Attention, si on souhaite coloriser des images, il faut que les docu­men­ta­listes demandent l’autorisation dès les premiers contacts avec les sources.

La fin du montage
Les docu­men­ta­listes préfèrent que le relevé et l’estimation financière soient faits avant la validation par la chaine de TV, sinon c’est la panique quand il y a des archives dont les droits ne sont pas libérables. Par exemple, à l’intérieur d’un sujet pris à l’INA, utilisable, il peut y avoir des extraits CBS ou autre, pas achetables.

La confor­ma­tion
Il faut faire des exports avec source apparentes. Le mieux est de demander au docu­men­ta­liste de venir en salle de montage faire les réglages pour l’export, pour avoir toutes les infos. Conseil d’une monteuse : il vaut mieux monter sur Avid, pour faire une sortie avec toutes les infos nécessaires. Ce n’est pas possible avec Final Cut.

Il est très important de faire le relevé des archives à deux : monteur et docu­men­ta­liste. Cela prend une journée, ce n’est pas « fun » mais c’est essentiel pour éviter les erreurs. Ne pas oublier le son dans les relevés, la musique par­ti­cu­liè­re­ment, qui se paye aussi en durée. Cette journée doit être prévue par la production en amont.

Après le relevé, c’est souvent mieux quand c’est le monteur ou son assistant (si ce dernier a suivi le montage) qui fait la confo. Cela permet de retrouver plus facilement l’emplacement des plans.

Une assistante soulève les problèmes de cadence : 24, 25, 30 i/​s. Les éléments originaux, les éléments fournis au montage, les éléments définitifs pour la confo, tout cela n’est pas toujours fourni à la même cadence, et on manque d’information sur le document d’origine. Les docu­men­ta­listes n’y sont pour rien, ce sont les sources qui ne mentionnent pas forcément la cadence de l’original, ou qui ne la respectent pas, et envoient des copies ralenties ou accélérées.

Qu’est-ce que vous apportez de plus qu’une recherche Google ?
On sait comment et où chercher. Certes on peut trouver les mêmes images que vous, mais on saura d’où elles viennent à la base, quelle est la source, et si elles sont utilisables. On essaie de nombreux mots-​clés, pour faire remonter des images inté­res­santes, pour sortir des sentiers battus. Nous sommes attentifs aux paramètres financiers.

Attention, si vous faites des recherches sur internet, méfiez-​vous du « domaine public ». La belle photo qui convient par­fai­te­ment est rarement dans le domaine public. Si vous en avez intégrées, faites faire un point sur les droits sans tarder. Quand vous demandez une recherche sur les titulaires de droits, n’envoyez pas la photo seule. Il faut absolument un nom bien ortho­gra­phié, une date précise, et le lien internet qui vous a mené à la photo.

Comment trouvez-​vous les images, celles qui ne sont pas sur Youtube ? Faites-​vous des enquêtes de terrain, dans les pays étrangers, les régions lointaines ?
On lit des fichiers, des inventaires d’archives, avant de se déplacer. On connaît les fonds, l’historique des collections, qui a racheté quoi, on sait où chercher. On compare les sources d’actualités de différents pays. On voyage rarement..

Quand on regarde des rushes, parfois des entretiens pas­sion­nants avec des per­son­na­li­tés, on aimerait que cela soit gardé, pour être réutilisé plus tard. Ces rushes deviendront des archives, si la production les dépose (INA, services d’archives divers…) ou bien en assure la garde, fait des copies de sauvegarde, et permet la réuti­li­sa­tion pour d’autres projets.

La réunion se conclut par l’idée d’élaborer ensemble une Charte des bonnes pratiques, pour faciliter la col­la­bo­ra­tion et le dialogue entre nos métiers, et avec les productions.

Compte rendu rédigé par Axelle Malavieille, Jean-​Pierre Bloc & Sarah Turoche