La relation entre scriptes et monteurs

Compte rendu de la rencontre LSA/​LMA du 7 novembre 2007

Infos

Rencontres d’Epinay les 16 & 17 novembre : des Monteurs associés ont animé une conférence lors de ces rencontres. Ils nous feront part de leurs impressions à la réunion de décembre.

LMA soutient le Méliès (salle de cinéma municipal de Montreuil) et décide de signer la pétition en tant qu’association.

Délibéré du procès des 4 inculpés de la Star’Ac le 16 novembre au tribunal de Bobigny.

Présentation des résultats de l’enquête des Scriptes associés (LSA) destinée aux monteurs

Marie-​Flo Roncayolo remercie les 35 personnes qui ont répondu au ques­tion­naire des scriptes et présente la synthèse. Chaque point fait l’objet d’une réaction de la salle.

(Remarque : puisque le terme de monteur semble être adopté pour désigner aussi les monteuses, le terme de scripte au féminin est édopté pour désigner les scriptes masculins, histoire d équilibrer les tendances, NDLR)

A. Les contacts scriptes/​monteurs

« Le premier intérêt de ce ques­tion­naire c’est d’avoir donné l’envie de vivre ce contact. » Parole de monteur.

D’une manière générale, ces contacts sont insuf­fi­sants. Contacts avant, pendant, après tournage.

1) Réunions avant tournage

Ces réunions réunissent les chefs de poste impliqués dans le tournage et/​ou la post-​production pour que soient posées les questions d’ordre artistique et technique relatives à la construc­tion du film et à sa fina­li­sa­tion.

Elles s’avèrent essen­tielles pour travailler en bonne intel­li­gence, harmoniser nos pratiques et coordonner nos codes communs (numérotations/​rapports…), anticiper les problèmes (en particulier, ceux liés au son…), construire le découpage en amont, communiquer la continuité du film et son préminutage (demandé pour les séries où le format est primordial)…

Ces réunions s’organisent lorsque les techniciens les initient, elles ne le sont jamais par les directeurs de production.

L’organisation sys­té­ma­tique de ces réunions avant tournage est souhaitée.

Proposition : poser ce problème par l’inter-association.

Objectif :

  • mieux penser le film ensemble ;
  • pour le montage, faciliter le travail de préparation et donc gagner du temps ;
  • mieux répartir les budgets de production.

2) Contacts pendant le tournage

Les monteurs souhaitent établir avec les scriptes une relation de confiance et de dialogue sans crainte et sans reproche pour :

  • partager des infor­ma­tions ;
  • discuter des plans manquants (pouvoir demander un plan sup­plé­men­taire sans que la scripte ne se vexe) ;
  • obtenir les modi­fi­ca­tions de la continuité en cours de tournage, c’est-à-dire ce qui concerne l’évolution du scénario et de la séquence.

Proposition : assister à des projections régulières de rushes en présence du réalisateur et des techniciens, en particulier les scriptes, pour regarder col­lec­ti­ve­ment la matière du film et se confronter à ses erreurs. (Une sélection des meilleurs prises sur DVD préparée par l’assistant monteur, projection de 20 mn.)

Objectif : devancer le travail de montage.

3) Contacts après tournage

Les monteurs aimeraient que les scriptes s’intéressent d’avantage au montage : c’est la finalité de leur travail. Lors des projections de montage leur avis est attendu sur le récit, les émotions et le rythme plutôt que sur les raccords. Objectif : avoir un regard avisé.

B. Rapports et numé­ro­ta­tion des plans

1) Les rapports scripte (dits aussi rapports montage ; le terme rapports scripte est préféré)

Leurs infor­ma­tions sont toujours consultées par les monteurs et/​ou les assistants monteurs. Ils sont fon­da­men­taux pour le bon déroulement du montage.

Ils sont consultés pour les notes spécifiques concernant chaque prise et plan et en particulier pour le son. Ces notes peuvent être consignées dans l’Avid.

Les notes les plus attendues sont :

  • Le cerclage : pour des raisons économiques, on peut être amené à ne syn­chro­ni­ser au montage que les prises cerclées (gain de temps, gain d’espace disque). Mais avant tout, le cerclage est un choix de réalisation, c’est une vision de réalisateur. Cette information est donc primordiale. Il serait dangereux pour le montage que ce soient les techniciens qui fassent ce choix. Cependant les scriptes peuvent être amenées à le faire excep­tion­nel­le­ment, dans ce cas elles doivent informer le montage de leur démarche.
  • Les remarques et les impressions du réalisateur : même si les choix changent au montage, les remarques subjectives peuvent nourrir l’imaginaire du monteur. Les rapports scripte permettent aussi de confronter le réalisateur à la réalité.
  • Les notes concernant le son : les rapports scripte sont souvent préférés aux rapports son car ils donnent une vision synthétique des choix réalisés au son pour chaque prise.

Un monteur souhaite un logiciel de rapport scripte avec base de données intégrée. Or sur un plateau, ces notations techniques éloignent la scripte de ses fonctions essen­tielles. Son travail doit consister avant tout à se concentrer sur la col­la­bo­ra­tion à la mise en scène et à être la repré­sen­tante du montage sur le plateau. Donc en aucun cas le rapport scripte ne peut servir de synthèse à toutes les infor­ma­tions techniques. Ce travail d’élaboration de la base de données est celui de l’assistant monteur.

De ces rapports, les monteurs attendent des infor­ma­tions de l’ordre de la mise en scène, du découpage et de la continuité.

Le rapport scripte est l’outil privilégié de com­mu­ni­ca­tion, le lien entre la réalisation et le montage.

2) Les rapports image
Ces rapports sont toujours consultés à 100 % par les assistants lors de la numé­ri­sa­tion (pour vérifier que « tout est là »).

Le cerclage des prises est toujours voulu. Il est nécessaire pour le travail de syn­chro­ni­sa­tion. Il doit être le même que sur les rapports scripte.

Le clap reste indis­pen­sable. Pour les tournages en HD ou autre support non-​film, les monteurs préfèrent travailler en REC RUN sans TC, plutôt qu’en FREE RUN. Ils se repèrent alors au clap. Il est donc nécessaire de continuer à les faire et à les faire très cor­rec­te­ment.

Les scriptes soulignent que les infor­ma­tions de trucage ne doivent pas leur incomber.

Un monteur irlandais est très surpris de voir qu’en France les rapports image sont à la charge des scriptes. Ailleurs ils sont faits par l’équipe image.

3) La numé­ro­ta­tion des plans
La numé­ro­ta­tion des plans « à la française » dans l’ordre du montage est préférée à 100 %. Contrairement à une idée reçue les monteurs préfèrent les lettres aux numéros. Les apostrophes, bis et ter sont à éviter.

L’ordre de numé­ro­ta­tion souhaité dans un tournage à plusieurs épisodes :
Ep/​Sq/​Plan/​Prise/​Cam (A ou 1 pour la caméra principale, si plusieurs caméras, les autres étant celles d’axes sup­plé­men­taires).

C. Les raccords

Pour les monteurs, il faut penser les raccords en terme de rapport de rythme, de marche et d’action, en terme d’énergie, de jeu et surtout il faut faire attention aux raccords des regards. Lorsque l’on franchit l’axe dans le regard, on a le sentiment que les gens ne se regardent pas, l’espace se déréalise. Le regard est placé par la scripte, les cadreurs ne s’en occupent plus beaucoup. Or les changements d’axes, cela se construit. D’où l’importance que les scriptes collaborent à la mise en scène car cela permet de travailler à ces axes et qu’elles puissent avoir une vraie par­ti­ci­pa­tion au découpage avant tournage. Certains monteurs souhaitent y participer quand d’autres préfèrent rester vierges de toute vision préalable du film.

Il faut aussi faire attention qu’il y ait suf­fi­sam­ment de che­vau­che­ments image et son pour les entrées et sorties de champ, être attentif aux gestes sur les paroles et aux raccords de niveau sonore dans le jeu des acteurs.

« Beaucoup de monteurs disent : les raccords, on s’en fout”, c’est joli pour la pensée, mais ça rend le travail difficile soit pour les regards ou pour les dépla­ce­ments. »

D. Les films sans scripte

Pour le monteur et l‘assistant monteur, un film sans scripte rend le travail difficile. Le contact avec le matériel sera beaucoup plus long et compliqué.

Dans certains cas, la relation scripte/​réalisateur peut augurer de la relation monteur/​réalisateur : un réalisateur qui croit tout savoir et croit pouvoir se passer d’une scripte risque d’être peu ouvert aux pro­po­si­tions du monteur…

Cependant certains réa­li­sa­teurs préfèrent travailler sans scripte suite à une mauvaise expérience ou par peur de se sentir dépossédés de leur film.

Enfin, certains films à petit budget pensent pouvoir économiser le poste de scripte or ce sont souvent ces films qui ont un besoin crucial du regard de la scripte !

Conclusion

Le travail des scriptes est précieux et indis­pen­sable. Il doit être une col­la­bo­ra­tion à la mise en scène et donc un lien entre le tournage et le montage.

La scripte apporte, mieux qu’aucun autre technicien, une vision globale du film, un regard sur la continuité du film. Pour cette raison, certaines scriptes aiment bien l’appellation américaine continuity supervisor.

La scripte apporte une plus value artistique et humaine : « Ne pas être une simple secrétaire de plateau plombée devant son combo, lestée par tous ses cahiers ou encore obses­sion­nelle du raccord au détriment du jeu, du rythme, de la psychologie de chacun, des par­ti­cu­la­ri­tés du film et du réalisateur. »

Le contact entre les scriptes et les monteurs est donc vivement souhaité tout au long du film mais par­ti­cu­liè­re­ment sous la forme d’une réunion avant le tournage pour mieux travailler ensemble.

La relation entre les scriptes et les monteurs doit être une relation de confiance et de dialogue sans crainte et sans reproche.