Compte rendu de la réunion du 2 juillet 2008
La réunion a débutée par des échanges sur nos nombreuses interrogations et inquiétudes à propos du sort de la télévision publique. L’automne s’annonce mouvementé, on avance dans le brouillard.
Vous avez pu voir passer sur le groupe de discussion des questions — et des réponses — sur la RED. Certain·e·s en restent baba devant tant de complexité ! Il serait souhaitable d’organiser une réunion cet hiver pour parler des nouveautés techniques, des diverses possibilités de cheminement qui existent maintenant pour aller des rushes au résultat final. On en reparle à la rentrée pour que se constitue un groupe de travail qui partagerait son savoir.
Un monteur a récemment monté un téléfilm, sur lequel il n’a été embauché que pour la durée du montage. Malgré le soutien du réalisateur, il n’a pu se rendre, la production n’ayant pas voulu le payer, ni au mixage ni aux autres finitions. Il a écrit à son directeur de production/producteur en insistant sur les points suivants :
- le souhait que cela semble traduire de détruire un métier, le fait que sur les précédents films avec la même production, sa présence à toutes les étapes de finition était planifiée et considérée comme allant de soi ;
- la déresponsabilisation du chef monteur, le morcellement de la fabrication du film découpé en tranches où interviennent des personnes isolées, le malaise éprouvé devant le sentiment d’abandonner son réalisateur avant la fin du projet ;
- le financement de ce téléfilm est assuré par la télévision publique, ainsi que le Cosip, fonds publics qui visent à maintenir le travail des salariés de l’audiovisuel, calculés aussi en fonction des salaires. Or, les subventions sont calculées d’après un devis qui compte 12 semaines de chef monteur, et il n’est payé que pour 6 ; où va la différence ? Et pour la responsabilité sociale du producteur, lorsque celui-ci fait l’économie de salaires qu’il payait auparavant, cela revient à transférer sa charge sur les Assédic.
Cette lettre, dont nous attendons la réponse, a ouvert un débat entre nous. De jeunes monteuses ont raconté quelques expériences sur des courts-métrages : la personne qui réalise ouvre de grands yeux étonnés si la monteuse parle d’aller au mixage, à l’étalonnage. Elle n’est pas prévenue des dates. Une ancienne élève juge que la Fémis ne parle pas assez du travail d’équipe. On n’y apprend pas à respecter à leur juste valeur l’apport des techniciens sur un film, l’énergie qu’ils y investissent. Les élèves en réalisation sont prêts à payer beaucoup en pellicule, sans souci du salaire, ou dédommagement, des techniciens. Suivi en cela par les productions…
Puis nous sommes passés au débat sur « le regard extérieur ».
Comment choisit-on la ou les personnes qu’on invite à un visionnage ?
Pour certains plutôt des professionnels, monteurs ou réalisateurs (par exemple le futur monteur son du film.) Pour d’autres des extérieurs, qu’on connaît bien, ce qui permettra de décrypter leurs impressions. En tous cas il est plus délicat d’avoir un seul avis que plusieurs (en petit nombre). Si les avis se recoupent, cela permet de renforcer son sentiment et d’aller plus loin dans les modifications nécessaires.
De l’avis général, les gens du tournage ne sont pas de bons « regardeurs », surtout sur un court métrage. Certain·e·s ont eu des expériences difficiles avec des scénaristes, qui se sentent dépositaires de l’histoire et n’acceptent pas les modifications.
À quel moment fait-on appel à un regard extérieur ?
Pas trop tôt ! Il faut parfois freiner pour être sûr qu’on a abouti à quelque chose avant de le montrer. Ne pas être influencé en cours de route sur la construction.
Comment ça se passe ?
Nos « regardeurs idéals » doivent exprimer des sensations, des sentiments, des impressions. Surtout ne pas chercher de solutions. (C’est épouvantable !) Il est préférable d’inciter le réalisateur à ne pas se justifier. On prend des notes, on réfléchira après ensuite, seuls ! Ne pas travailler juste après à chaud. L’avantage de ces visionnages, c’est de « débloquer » certains réalisateurs qui ont peur de montrer le résultat de leur travail. Le danger c’est que le réalisateur prenne pour parole d’évangile les critiques émises.
Et si on nous invite à voir un projet en cours ?
On marche sur des œufs ! On pèse ses mots. Parce qu’on connaît le poids de la parole, on craint de mettre en péril des mois de travail en entraînant sur un faux terrain. Mais on sait que la grande distance que nous avons avec le film permet de viser juste, de réfléchir librement.
Il est arrivé à certains de se sentir instrumentalisé, dans le cas d’un conflit entre le montage et la réalisation ou la production. Une monteuse préconise, si on lui demande de travailler sur le film, de le faire avec le monteur en titre, pas avec le réalisateur.