Le temps au montage

Compte-​rendu de la réunion de février 2008

Les élections au conseil d’administration auront lieu le mercredi 2 avril 2008
Ces dernières années, elles avaient lieu lors d’une réunion extra­or­di­naire courant mars. Nous avons voulu qu’en 2008 elles se tiennent à la place d’une réunion mensuelle et non au cours d’une assemblée sup­plé­men­taire. Or la prochaine réunion aura lieu le 5 mars, pendant les vacances scolaires. Pour que tous puissent y participer, le CA a décidé de reculer un peu la date et d’opter pour avril. Nous vous incitons vivement à faire acte de candidature pour faire partie du CA cette année. Vous pourrez le faire en renvoyant le bulletin que vous recevrez dans le dossier élections.

Malversations aux Congés spectacles
Les infor­ma­tions à ce sujet ont déjà circulé sur la liste de discussion des Monteurs associés. Des détour­ne­ments de fonds importants ont eu lieu. Les Monteurs associés vont lancer un appel pour que tous les salariés lésés recouvrent leurs droits, que les dirigeants politiques et admi­nis­tra­tifs de la Caisse soient déférés devant la justice, que les sommes détournées soient « reprises » sur le capital des organismes et personnes incriminées, et enfin qu’une gestion paritaire et démo­cra­tique soit mise en place d’urgence. Nous rappelons en effet que la Caisse est gérée uniquement par les syndicats d’employeurs.

Salon du cinéma
Cette année encore, nous avons décidé de participer à cette mani­fes­ta­tion grand public. Pendant 3 jours, nous avons partagé un stand (offert gra­tui­te­ment par les orga­ni­sa­teurs) avec les autres asso­cia­tions de techniciens : décorateurs ADC, assistants réa­li­sa­teurs AFAR, directeurs de la photo AFC, cadreurs AFCF, régisseurs AFR, res­pon­sables de dis­tri­bu­tion artistique ARDA, scriptes LSA, repéreurs ARC. C’était l’occasion d’aider les jeunes désireux de connaître nos métiers à mieux se repérer dans la jungle des formations et des parcours et de leur faire part d’une réalité bien éloignée des promesses des écoles privées qui nous entouraient. D’autre part, trois Monteurs associés ont participé au Forum des métiers. Pendant une heure et demie ils ont expliqué leurs pratiques et répondu aux questions (souvent assez fines) d’un public très nombreux.

Thème de la soirée : le temps

Tout est parti d’une phrase de Patrick Modiano : « Certains travaillent six heures par jour, moi je ne peux pas. Au bout de trois ou quatre heures, je ne vois plus rien et j’ai le cerveau en bouillie, j’ai absolument besoin de faire autre chose pour me remettre en ordre de marche. »

Notes prises au fil de la discussion :

« Le temps n’a pas la même qualité pour tout le monde et n’est pas vécu de la même façon par tout le monde. J’ai travaillé sur deux formes de programmes : les docu­men­taires et les actualités. En fin de compte, je me suis aperçue que le résultat n’avait rien à voir avec le temps que j’y avais mis. Pour un sujet d’actualité je vais être très concentrée et ne faire que ça pendant une heure. Je ne pourrais pas faire la même chose pendant 8 heures d’affilée. Ça ne serait pas vivable. Donc, il y a une partie de mon temps que je passe à travailler et une autre partie où je fais quelque chose d’autre. Pour les actualités, je fais du dérushage en accéléré, au lieu de regarder 1/​2 h de rushes en 1/​2 h, je la regarde en 10 mn. Et je monte aussi en accéléré. C’est possible parce qu’au début de la journée, le travail a été préparé par un journaliste et un JRI (journaliste reporter d’images) qui savent exactement ce qu’ils vont faire. Le JRI ne va pas filmer une petite fille en vert avec un ballon rouge parce que ce serait poétique : il sait que ce serait du temps perdu au tournage et au montage. Donc tout est planifié et codé quand je vais monter. Il m’est arrivé de travailler avec des stagiaires jour­na­listes et je mets beaucoup plus de temps à monter. Parce que les stagiaires se posent beaucoup de questions : ils ne savent pas comment filmer, quelles questions poser. Ils passent beaucoup de temps. Ils perdent beaucoup de temps. Ce temps perdu c’est de l’expérience. Conclusion : le temps n’est pas com­pres­sible. Si on travaille vite, c’est que du temps a été pris avant. »

« Quand je travaillais en film ou même en vidéo, je passais plus de temps que devant un ordinateur qui me fatigue. La question c’est comment on va pouvoir prendre du recul ? Les mani­pu­la­tions sont plus rapides, on peut refaire très vite une structure, mais on a besoin de recul. On continue en dehors de la salle : la nuit on travaille, on pense au montage. »

« Avec l’informatique, il y a une immédiateté. Quand la machine calcule, on trouve ça long. La manutention en film, les rem­bo­bi­nages en vidéo, c’étaient des temps morts qui per­met­taient de réfléchir. J’avais acheté un banc vidéo à Godard et je lui avais demandé si la machine ne mettait pas trop de temps pour rembobiner. Il m’avait dit : Non. On réfléchit.” »

« En tant qu’assistante, je fais de la synchro. On me donne le même temps pour des films très découpés que pour d’autres en plans séquences. Les plannings sont établis à l’avance. »

« Sur un sujet court, l’expérience fait qu’on va passer plus ou moins de temps. Avec un débutant, je vais rester jusqu’à 23 h pour le même salaire. Des images qui servent à rien, j’en bouffe ! Tout ce temps-​là, je n’en peux plus. Y compris les temps de calcul. Je les lance pour me reposer. »

« Pendant des années, je me suis posé la question du nombre de minutes par jour qu’il fallait faire. »

« Je montais les directs sur une série. J’avais 8 jours par épisode. Le premier, je l’ai fait en onze jours, j’ai commencé à paniquer. Le deuxième a été beaucoup plus vite. Dans notre métier, rien n’est quan­ti­fiable. Le problème du temps est insoluble. »

« L’expérience me permet de relativiser. Depuis 2 ans je travaille sur des séries « jeunesse » extrêmement formatées. J’ai 5 jours en tout pour monter 24 mn. Il faut que je fasse 7 séquences par jour pour m’en sortir. Le premier jour, j’avais monté 1 séquence. L’expérience fait que je ne me suis pas angoissée. Je savais que je me rattraperai sur la durée. Là où je prends du temps, c’est pour regarder les rushes. »

« Je travaille en ce moment à la maison. Ça me permet d’organiser mon temps comme je veux : aller à la piscine, travailler 5 à 6 heures par jour… Je vais passer 6 jours et être payée 3. Mais on a quand même une pression terrible. »

« Ce que je monte actuel­le­ment est pour une collection docu­men­taire de France 5 qui devrait être très formatée sauf que la chaîne ne sait pas ce qu’elle veut. Le montage peut durer de 6 à 10 semaines selon les cas. »

« Il y a des gens qui adorent travailler longtemps dans une journée parce qu’à force d’être là, le truc’ finit par venir. Il faudrait pouvoir utiliser son temps comme on veut. Avoir des journées longues et d’autres courtes. »

« J’ai accompagné cette semaine un jeune qui a du talent. Mardi soir mon sujet était terminé et là on est rentrés dans l’autoformatage de la production pour le diffuseur. On nous a fait mettre de la musique pour le visionnage. J’ai expliqué que c’est du temps perdu. Il y a des illus­tra­teurs sonores pour ça. Ce temps-​là, il faut le passer à autre chose. »

« Je viens de monter les sons d’un téléfilm avec la même équipe qu’il y a deux ans. Il y a deux ans on m’avait donné trois semaines. Et là pour 2 x 52 mn ils m’avaient donné quatre semaines. Le film est devenu un seul 90 mn. Je pensais qu’ils allaient réduire le temps. Et non, ils ont renégocié les repas mais pas les temps de montage ! Et la grande différence avec il y a deux ans, c’est que je suis passée d’un montage frénétique à un montage conscien­cieux. De quelqu’un com­plè­te­ment crevé à quelqu’un bien dans son corps. Le manque de temps, on le paye dans son corps. »

« C’est très juste : on paye de son corps. Le truc de tenir’ les temps : vite, bien et pas cher, les 3 ensemble, ça ne marche jamais. Quand je récupère un film pour le montage son avec déjà les musiques et plein de sons calés et qu’on me fait noter les paramètres des réverbs parce que le réalisateur aime beaucoup ce qui a été fait au montage et qu’il faut absolument le garder, ça me demande beaucoup de temps en plus. Parce que ce qu’ils ont dans l’oreille avec les réglages de l’Avid, il va falloir com­plè­te­ment le transposer pour retrouver la même chose en audi. Ils n’ont pas les mêmes problèmes de dynamique à respecter pour la diffusion. Rien ne sonnera exactement pareil. Le temps qu’ils pensaient gagner va en fait être au contraire du temps sup­plé­men­taire. J’ai eu beaucoup de mal, j’ai passé beaucoup de temps, mais au bout du compte je suis contente. »

« Il faut aussi parler du tempo avec le réalisateur. Certains sont très lents, on n’est pas toujours dans le même tempo. Je suis obligée de m’adapter au tempo du réalisateur. »

« Ma journée n’est pas la même quand je suis tout seul — ma journée autiste — et celle avec le réalisateur. Les temps ne sont plus les mêmes. »

« Le temps du regard n’est plus le même aujourd’hui. Les gens zappent, sont habitués à un découpage très serré. 

« Le matin, je regarde le travail de la veille, le soir je ne vois plus rien. »

« Le problème est de prendre du recul. Je travaille sur un docu­men­taire depuis quinze semaines et j’ai demandé à arrêter pendant une semaine pour pouvoir prendre les décisions finales. Le réalisateur et moi, nous avons besoin « d’oublier » le film, de penser à autre chose, pour pouvoir le redécouvrir avec de la distance. Surtout quand le film est long (plus de 90 mn), chaque modi­fi­ca­tion importante de structure exige un visionnage complet pour se rendre compte de ce que ça donne. Et si on peut effectuer beaucoup de changements en peu de temps, il est en revanche impossible de voir deux versions complètes dans la journée. »

Prochaine réunion : mercredi 5 mars 2008, 20 h, cafétéria de la Fémis.