Réunion de mai 2024 – Assistant·es et monteur·euses, parlons-​nous sans tabou !

Le 15 mai dernier, se tenait une réunion organisée par l’atelier Assistant·es, intitulée : « Assistant·es et monteur·euses, parlons-​nous sans tabou ! ». Quelle est la place du monteur dans la défense des conditions de travail de son assistant ? Comment une relation de com­pa­gnon­nage et de passage de savoir-​faire peut se mettre en place entre le monteur et son assistant ? Comment envisager le passage d’assistant à chef monteur et quelle place les chefs monteurs peuvent-​ils prendre dans cette évolution ? Telles étaient, entre autres, les questions posées aux monteurs et monteuses présentes.

La situation par­ti­cu­lière du flux

Des assistant·es intermittent·es ou employé·es au sein d’équipes techniques dans des sociétés de production témoignent du fait que les assistant·es croisent rarement les monteur·euses qui travaillent sur les projets. Outre le travail pré­pa­ra­toire des montages, les assistant·es peuvent parfois être amené·es à prémonter des séquences sans recevoir d’instructions de la part du monteur ou de la monteuse, ni avoir de retours une fois leur travail transmis. Les assistant·es qui travaillent pour ces sociétés de production occupent des postes purement techniques et ne sont qu’exceptionnellement admis·es dans les salles de montage. Ces travaux sont néanmoins considérés comme très formateurs tech­ni­que­ment par les assistant·es qui en témoignent.

Ces témoignages sont corroborés par un monteur qui travaille sur ce type de projets. Il confirme ne croiser qu’exceptionnellement les assistant·es monteur·euses. Il estime que ces missions d’assistanat relèvent quasiment du bizutage dans le sens où les tâches à effectuer sont dans l’ensemble techniques et pro­cé­du­rières. Seuls les assistant·es les plus souples et les plus efficaces pourront ensuite se voir proposer des missions plus gra­ti­fiantes. Ce monteur souligne qu’il est difficile pour lui de soutenir ces assistant·es qu’il ne croise que rarement et qui changent régu­liè­re­ment. L’isolement structurel de chacun·e rend difficile toute expression d’une reven­di­ca­tion (de salaire, de conditions de travail) aussi bien pour soi que pour les autres. Dès lors, comment s’organiser ensemble face à la production ?

La relation de travail entre monteur·euses et assistant·es

Selon vous, quelle est la relation de travail idéale ?

Pour les monteur·euses présent·es, les assistant·es connaissent tous les rushes et l’entièreté du projet, qu’elles et ils organisent en concer­ta­tion avec elles et eux, ce qui est un plus en termes de gain de temps, de réactivité et d’efficacité au montage. En ce sens, plus l’assistant·es est présent·e plus on peut lui demander, de sorte qu’elle ou il devient « une tour de contrôle » qui gère aussi les relations avec le laboratoire, le montage son, etc.

Une monteuse explique qu’elle a des demandes en son additionnel, montage musique, maquettage et préparation des VFX. Une autre monteuse souligne l’importance d’une bonne com­mu­ni­ca­tion et d’oser poser des questions s’il y a un doute pour bien définir les orien­ta­tions du travail demandé. C’est aussi une manière de construire une relation de travail et d’avancer ensemble dans la définition des intentions du film. (cf. annexe du Guide de bonnes pratiques pour l’emploi des assistant·es monteur·euses).

L’assistant·e peut aussi porter un premier regard sur le travail du monteur. Sa connais­sance et son implication dans le projet rend cela légitime. Mais, il est important que l’assistant·e sache et comprenne quand prendre la parole et que dire dans telle ou telle situation, en présence de telle ou telle personne.

Enfin, il ne faut pas hésiter à demander s’il est possible de venir en salle de montage, quand il y a un petit moment de libre.

Monteur·euse sans assistant·e ou ancien·ne assistant·e : quels risques ?

Les monteur·euses qui ont été assistant·es disent mieux comprendre ce qu’ils et elles peuvent demander à leurs assistant·es, d’un point de vue pratique (son, VFX, etc.) et quantitatif. A contrario, certain·es pensent que l’assistant·e sait sans rien lui expliquer. D’autres sont parfois tenté·es de faire eux-​mêmes des tâches d’assistanat plutôt que de prendre le temps d’expliquer à un·e assistant·es ponctuel·les (ou d’attendre sa venue), qui a une connais­sance légère du projet, ce qu’ils ou elles veulent. Or, en réalisant ces tâches eux-​mêmes, elles et ils prennent du temps (en plus) sur leur travail et fragilisent le poste d’assistant·es : c’est un cercle vicieux.

Lorsqu’on n’a jamais été assistant, il est parfois difficile de savoir déléguer et quoi demander. Il suffit de demander « comment peux-​tu m’aider ? » Une assistante témoigne avoir travaillé avec un monteur qui n’avait jamais eu d’assistant·e, et à force a su utiliser ses compétences et son regard. Maintenant, il demande un·e assistant·e monteur·euse.

En docu­men­taire ?

Un assistant demande si, en docu­men­taire, effectuer un dérushage rapide (repérage) ne pourrait pas constituer un gain de temps pour le monteur. Une monteuse lui répond qu’elle a absolument besoin de faire le dérushage elle-​même et que cela ne peut pas, selon elle, être délégué à un·e assistant·e.

L’assistanat en série ?

Il arrive qu’il y ait un·e seul·e assistant·e pour plusieurs monteur·euses (en série télé par exemple), dans ce cas elle ou il doit s’adapter à la per­son­na­lité et aux demandes de chacun·e, savoir partager son temps de travail tout en répondant également aux demandes de la production.

En série (et pas que), la charge de travail peut devenir lourde. Il ne faut pas hésiter à en parler aux monteur·euses pour demander du renfort, voire essayer ensemble de l’anticiper au vu du planning et de ses changements. Une vigilance devrait être apportée à cela.

Faire monter les assistant·es ?

Des monteur·euses présent·es déclarent qu’elles et ils aimeraient avoir davantage de temps à consacrer à la relation avec leurs assistant·es, pour pouvoir leur confier le montage de séquences ou discuter de leur propre montage avec leur assistant·e. Le manque de temps d’assistanat est fréquemment cité comme un obstacle dans la conso­li­da­tion de cette relation. En série, cela est un peu plus possible, même si certaines périodes sont très chargées pour l’assistant et le monteur.

Comment recrutez-​vous votre/​vos assistant·es ?

Les monteur·euses recrutent leurs assistant·es soit parce qu’ils et elles les connaissent déjà, ont déjà travaillé ensemble, soit parce qu’elles ou ils leur ont été recommandé·es par un·e monteur·euse qu’ils ou elles connaissent. Aucun·e monteur·euse présent·e ne considère le CV ou la bande démo d’un·e assistant·e comme un bon critère de recrutement. Un monteur explique qu’il a pu être amené à choisir une assistante avec peu d’expériences mais très structurée intel­lec­tuel­le­ment. « Une personne avec qui je vais m’entendre, on va parler de la même chose. »

Est-​ce aux monteur·euses de défendre les assistant·es ?

Des monteur·euses expliquent avoir découvert qu’en demandant le recrutement d’un·e assistant·e de façon argumentée, il était possible de l’obtenir, même sur des films avec peu de budget. Il est nécessaire de bien expliquer le gain de temps (et donc d’argent) qui découle de l’emploi d’un·e assistant·e. Il arrive fréquemment que les productions ne comprennent pas le rôle de l’assistant·e, ses compétences et ses res­pon­sa­bi­li­tés. Il revient aux monteurs d’énumérer les avantages de l’emploi d’un·e assistant·e en fonction du projet. Et bien souvent, les productions comprennent et suivent ces pres­crip­tions. Défendre le poste de l’assistant·e, c’est défendre son propre poste.

Comment négocier ?

Certains monteur·euses présent·es estiment, par ailleurs, qu’il leur revient de défendre les conditions de travail et le salaire de leur assistant·e. Les monteur·euses et assistant·es qui travaillent sur des séries télé mettent en avant le fait qu’ils et elles peuvent constituer un collectif à même de négocier avec les productions. Mais pour cela, il faut prendre contact les un·es avec les autres dès les prémisses du projet et accepter de parler ouvertement de leurs conditions d’emploi relatives à leur condition de travail, afin de construire un argu­men­taire commun et solide (année d’expérience, planning, quantité de rushes, nombre de monteur·euses pour l’assistant·e, expertise VFX, etc.). Ne pas hésiter à considérer ensemble la nécessité d’un poste d’assistant·e en plus.

Ce n’est pas parce que les monteur·euses doivent défendre les assistant·es, que les assistant·es ne doivent rien faire de leur côté. Il est important de bien connaître la grille de salaire et ne pas accepter de travailler en dessous du tarif minimum, certaines sociétés de production pouvant prétendre méconnaître ces tarifs.

Les prestations d’assistanats

Il y a maintenant de nouvelles sociétés de post­pro­duc­tion qui proposent des prestations d’assistanat, par exemple pour faire l’ingest, la synchro et les sorties techniques. Non seulement, c’est un contour­ne­ment du droit, les assistant·es devant être rémunéré·es par les sociétés de production, mais cette pratique est contre-​productive, multipliant les risques d’erreurs, limitant tout suivi du projet et alour­dis­sant le travail du monteur ou de la monteuse au détriment du montage avec le réalisateur ou la réa­li­sa­trice.

LMA dénonce le fait que ces sociétés proposent de telles prestations et cherche à s’organiser avec l’ADPP (l’association des directeurs et directrices de post­pro­duc­tion) contre ces nouvelles pratiques qui réduisent les tâches de l’assistant·e à leur aspect purement technique, sans connais­sance du projet, de ses éventuels problèmes ou spé­ci­fi­ci­tés.

L’attention à l’autre

Au même titre qu’il faut se prémunir d’une surcharge de travail, en parler à ses chef·fes et demander du renfort, il est également important d’être attentif aux autres personnes présentes dans les mêmes locaux de post­pro­duc­tion. Il peut s’agir aussi d’apporter son soutien dans une situation difficile ou son expertise sur un travail en cours, comme aider un assistant à mesurer le temps de travail pour une quantité de tâches à accomplir. Laissons les portes des salles de montage entre-​ouvertes !

Comment l’assistant·e devient monteur·euse ?

Tous les monteur·euses présent·es insistent sur le fait que ce n’est pas en accumulant de l’expérience pro­fes­sion­nelle en tant qu’assistant·e que l’on devient monteur·euse, mais en montant soi-​même tout et n’importe quoi : des courts métrages non produits, des clips, y compris des projets peu aboutis.

Il y a de plus en plus de productions qui font appel à des monteur·euses expérimenté·es pour monter des courts métrages alors que jusqu’à il y a peu, c’était un bon moyen pour passer d’assistant·e à monteur·euse. Alors que les réa­li­sa­teurs et réa­li­sa­trices sont bien souvent novices, pourquoi pas le monteur, la monteuse ? A contrario, parce que le réalisateur ou la réa­li­sa­trice sont novices, est-​ce que cela justifie que le monteur, la monteuse, ne le soit pas pour le·la soutenir plus fermement ?

Selon les monteur·euses, les assistant·es ne doivent pas hésiter à demander à entrer dans la salle de montage quand elles et ils ont un moment de libre. Un·e monteur·euse peut recommander un·e assistant·e qu’elle ou il connaît et dont elle ou il a déjà vu le travail de montage. Les assistant·es peuvent alors avoir intérêt à solliciter les monteur·euses de leur connais­sance pour leur montrer leur travail de montage. Plusieurs monteur·euses évoquent le stage de montage (Afdas) l’Atelier de montage, créé et animé par Anita Perez, comme une formation enri­chis­sante pour les assistant·es souhaitant évoluer vers le montage.

Deux cas de « com­pa­gnon­nage » de jeunes monteur·euses

Un monteur explique avoir parrainé une jeune monteuse lors du montage de son premier long métrage. La production l’avait sollicité pour pallier son manque d’expérience. Il a refusé de prendre le poste de monteur mais a proposé un système d’accompagnement qui a convenu à toutes les parties, avec un planning de consul­ta­tion et une règle : ne pas prendre la souris ! 

Une monteuse raconte son expérience de consultante. Elle insiste sur le fait qu’il ne s’agit surtout pas de prendre la souris à la place du monteur ou de la monteuse accompagné·e. Il ne s’agit pas de reprendre un montage en cours à la demande de la production, mais bien d’accompagner un·e jeune monteur·euse lors de sa première expérience. 

Un projet de com­pa­gnon­nage de ce type avait déjà été évoqué lors des états généraux de la post­pro­duc­tion, peut-​être LMA devrait s’en emparer de nouveau ?

« Pourquoi ne prends-​tu pas ta retraite ? »

Derrière cette question pro­vo­ca­trice se cachent de vraies pro­blé­ma­tiques. La retraite d’un·e monteur·se permet-​elle de s’arrêter de travailler ? Jusqu’où l’envie de monter et de collaborer avec des cinéastes inté­res­sants ?

Un monteur déclare que son métier est sa passion. Maintenant qu’il a passé l’âge de la retraite, il choisit les films qu’il veut faire et tant qu’il y prendra plaisir travaillera, ce qui n’empêche pas d’avoir un devoir de trans­mis­sion et de mettre en œuvre des passerelles. Une monteuse souligne que travailler avec des réa­li­sa­teurs de la même génération implique un parcours et une évolution artistique commune et souvent les réa­li­sa­teurs travaillent tard. Une autre ajoute néanmoins, qu’à partir d’une certaine expérience en long métrage, il ne faut plus accepter de monter des courts et laisser la place.

En conclusion

Nous insistons sur le fait que le dialogue au sein des équipes et, de manière générale, entre les chef·fes et les assistant·es doit se poursuivre, car il est primordial et essentiel pour défendre des conditions de travail correctes et mettre en oeuvre une orga­ni­sa­tion et une dynamique de travail réfléchies et concertées pour le bon déroulement des projets.

Nous rappelons que beaucoup d’informations et d’arguments sont développés dans le Guide de bonnes pratiques pour l’emploi des assistantes et assistants monteurs. Un document auquel vous pouvez vous reporter à tout moment.